Avec ses températures de 40°C attendues, la Suisse connaît son épisode de canicule le plus précoce jamais enregistré. Cette actualité brûlante devrait suffire à raviver notre inquiétude vis-à-vis du climat, se dit-on. La réaction évidente serait de limiter ses déplacements, de prendre de bonnes résolutions pour éviter de contribuer au réchauffement d’un air qui devient irrespirable. Il n’en est rien. Parcourant les avenues, je vois les SUV vrombir comme avant. J’apprends que des amis réservent leur prochain long courrier sans s’inquiéter des émissions liées au kérosène - « ah bon, tu es sûre que les avions ne polluent pas moins qu’avant ? ».

Reconfiner pour lutter contre la canicule ?

Ce qui, jusqu’à nouvel ordre, demeure commun à tous les habitants de la Terre, c’est l’enveloppe climatique animée de la planète, l’atmosphère, au sens météorologique, devenue pour les contemporains, pour les raisons que l’on sait, un objet de souci.

S’il est un enseignement qu’on a pu tirer des derniers étés caniculaires, c’est qu’en matière d’écologie, on ne peut compter sur la solidarité des hommes. Pire : l’irruption effective du drame climatique en cours dans notre quotidien, à travers ces âpres chaleurs, conduit chacun à vouloir se rafraîchir de manière artificielle, en climatisant sa propre atmosphère. Dès que le thermomètre s’emballe, c’est chacun pour soi : voiture climatisée, avant de rejoindre son bureau, climatisé lui aussi. Un cercle vicieux, puisque comme chacun sait, la « clim’ » aggrave la situation. Il n’empêche : chaque année, il se vend davantage de ces appareils.

À chaque canicule, c’est cette même tragédie qui se déroule sous nos yeux. Ce qui m’amène invariablement à me poser cette question : la clim’ est-elle un cas d’école ? En matière d’écologie, je rêverais de pouvoir rester dans le camp des libéraux. De ceux qui croient à la responsabilisation collective, et attendent de leurs congénères qu’ils adoptent peu à peu les bons gestes pour limiter les dégâts. Or la réalité me revient en pleine figure. Et je n’attends pas non plus des incitations fiscales qu’elles résolvent le problème : qui voudrait d’un monde dans lequel les classes moyennes n’auraient plus les moyens de s’acheter une clim’ ?

Un esprit mal placé proposerait la plus honnie des mesures : un reconfinement. Après tout, c’est la seule solution qu’on semble avoir trouvée lorsqu’un gouvernement ne maîtrise pas une situation grave - comme celle du Covid, et bientôt du climat -, qu’il n’a rien préparé pour pallier ses conséquences pourtant prévisibles - comme des lits d’hôpitaux qui faisaient défaut face au virus et manqueront désormais pour accueillir les personnes fragiles éreintées par la chaleur -, et qu’il préfère éviter de privilégier certains individus.

Dans mes pires accès de pessimisme, je me dis que seule la coercition aura raison de nos égoïsmes. Qui me prouvera le contraire ?