Plus de 800 000 suicides recensés par an, soit un toutes les quarante secondes et vingt fois plus de tentatives : c'est le bilan d'un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Intitulé « Prévention du suicide : l’état d’urgence mondial ».
Le taux de suicide, rapporté à la population, est à peu près équivalent dans les pays pauvres et dans les pays riches. Les pays à revenu faible et intermédiaire représentant la majorité de la population mondiale, c’est cependant dans ces pays que 75% des suicides ont lieu. La Suisse décompte 1010, soit 12,1 suicides pour 100 000 habitants, un taux supérieur à la moyenne en Europe.

Le suicide est évitable

Une constante: les taux de suicide les plus élevés sont partout enregistrés chez les personnes de plus de 70 ans. Dépendantes, isolées, en perte d'autonomie, les séniors sont les plus fragiles. Avec un taux de suicide proportionnellement dix fois plus important chez les plus de 85 ans, par rapport à la population des 15-24 ans, et plus élevé encore en maison de retraite que chez soi, il est à craindre que l’amour, le soin, le care, ne suffisent guère. Aux cas de défenestration dont témoignent les infirmiers s’ajoutent un fort alcoolisme et des épisodes dépressifs majeurs chez 10 % à 15 % des résidents au cours de la première année d’institutionnalisation. Ces défis lancés à l’accompagnement de la fin de vie ne peuvent être relevés par les seuls aidants naturels, enfants ou parents, ni même par les soignants.

Derrière la rudesse de ces chiffres se cache une réalité à laquelle nous tournons le dos. Nous sommes plus de 75% à nous déclarer nous détourner de l’idée de la mort et s’adonner en toute tranquillité aux joies de la vie longue. 
Quand l’espérance de vie était de 30 ou 40 ans ; quand un enfant sur trois mourait à la naissance ; quand la plupart des maladies étaient sans remèdes; quand, en l’absence d’un État souverain et d’une société policée, les individus vivaient sous l’emprise de la peur de la mort violente, alors le visage des morts faisait partie intégrante de la vie. Chacun était incité à l’anticiper, à s’y préparer. À la vivre en commun avec ses proches. L’ici-bas était orienté par l’attente de l’au-delà. Et puis, soudain, en quelques siècles, ce système s’est effondré. Alors que la croyance religieuse s’effritait, la vie longue a chassé la mort hors de notre champ d’expérience. Elle s’est alors réfugiée dans les hôpitaux, où les médecins sont devenus les maîtres d’un événement médical.
L’idéal désormais est de mourir… guéri ou en bonne santé. En témoigne la question de l’euthanasie, de la « bonne mort », qui agite de plus en plus régulièrement le débat public. En un mot, on a troqué l’espérance de la survie contre l’espérance de vie.
Cette espérance fait cependant défaut à certains, lors des crises existentielles et de dépression. C’est l’une des causes principales de suicide, parfois associée à l’alcoolisme et aux troubles mentaux. Les problèmes d’argent, les traumatismes, la guerre, les catastrophes naturelles comptent parmi les facteurs extérieurs, sociaux, psychologiques, culturels, qui favorisent le passage à l’acte. 
Sur la base d’une grande étude, l’OMS a déduit un plan d’action fondé sur une conviction: le suicide est évitable. Si bien que les États membres de l’OMS se sont engagés à atteindre la cible mondiale visant à réduire de 10% les taux de suicide. Tant qu'il y a de l'espoir...