Ramenons les choses à leur juste mesure. Un tremblement de terre d’où vous êtes sorti indemne restera moins profondément gravé dans votre souvenir qu’une mauvaise chute dans l’escalier qui vous a estropié. Nous pouvons nous faire contaminer par la fièvre collective en lisant les nouvelles de l’épidémie, c’est en définitive notre destin personnel, et celui de notre famille et de nos proches, qui nous préoccupe vraiment.
Cette épidémie, au jour où je parle, aurait contaminé trois millions de personnes et fait 206’000 morts dans le monde, dont 1670 en Suisse. Dans ce même pays, en 2017, une vague de grippe a causé, les six premières semaines de l’année, près de 1500 décès supplémentaires chez les personnes de plus de 65 ans par rapport aux chiffres normalement attendus à cette époque de l’année. Je cite des chiffres du gouvernement.
Ce n’est pas pour minimiser ce qui nous arrive, c’est pour le replacer dans un cadre rationnel et ne pas céder à l’envie de malheur. De toute façon, je l’ai dit, tout ce qui nous frappe dans notre propre vie et notre sécurité a la dimension d’un cataclysme, qu’il s’agisse d’une pandémie ou d’un drame familial. Des gens qui me sont proches ont été contaminés. Certains luttent avec leurs dernières énergies pour s’en sortir, pour d’autres c’est une grosse grippe.
Mais tout le monde est accroché aux nouvelles, alarmantes, approximatives, contradictoires. On essaie de deviner son propre sort dans des statistiques. Autant le chercher dans le marc de café.
Protégeons-nous comme il se doit, ne laissons aucune précaution de côté, mais n’oublions pas que la meilleure armure n’a jamais empêché personne de mourir au combat. C’est la loi de la lutte et c’est la loi de la vie.
Ancrons-nous donc dans notre fragilité et essayons de garder les yeux grands ouverts. Nous sortirons de cette épidémie tôt ou tard. La mortalité du virus ne grimpe pas en flèche, l’immobilisation forcée des sociétés commence à être levée, parce que les dégâts du confinement, économiques, psychologiques, humains, dépassent les risques de la contagion. Il faut sortir à l’air libre.
En ce moment, sans doute, nous remettons en marche notre cerveau. Nous essayons de comprendre ce qui s’est produit. Nous voyons un millier de choses qui dans la panique actuelle nous ont échappés — même des choses positives.
Car pendant que nous guettons les chiffres et attendons les thérapies miracles, les affaires continuent, et bien plus fort qu’avant. Nous pouvons, peut-être, définir le monde où nous vivrons demain.
Largement inspiré de Antipresse, Slobodan Despot
Christian Cordt-Moller, Pharmacien FPH / propriétaire