L’Odyssée est le récit d'un saut dans l'inconnu, d'une aventure plus longue que prévu au cours de laquelle Ulysse va d'adaptation en adaptation. Établir un parallèle avec la pandémie et nos situations de confinés, déconfinés et reconfinés, est tentant…

Le confinement, une drôle d’odyssée

Depuis mars 2020, l’expérience du confinement a fait de nous des êtres différents : séparés des autres vivants, entravés dans nos mouvements, privés de nos repères et de nos habitudes. Drôle d’aventure, qui n’est pas sans rappeler celle d’Ulysse naviguant à vue sur les mers de l’incertitude. C’est que, comme Ulysse, nous pensions que notre éloignement serait l’affaire de quelques semaines seulement. Et puis nous sommes tombés de Charybde en Scylla à l’annonce de chaque nouvelle mesure sanitaire. Nous avons dû faire le deuil de notre vie sociale, recomposer notre vie professionnelle, faire face à des moments de doute où nous nous sommes sentis bien seuls.

Si L’Odyssée semble entrer en résonance avec notre expérience du confinement, quelles leçons peut-on alors aller y puiser ?

Le premier, c’est que le voyage d’Ulysse se déroule dans un monde privé d’humanité, où chaque épreuve nous interroge sur ce que cela signifie d’être humain. Le second, c’est que le plus grand défi d’Ulysse, au terme de son périple, sera celui des retrouvailles. 

« Comme Ulysse, nous avons désormais conscience de vivre dans un monde déshumanisé »

Ce que l’histoire d’Ulysse nous raconte, c’est l’expérience d’être plongé dans un monde qui n’est plus celui des humains. Alors que les visages de ses compagnons font place à ceux de créatures divines - la magicienne Circé, la nymphe Calypso - ou d’êtres sous-humains comme les Lestrygons cannibales, Ulysse comprend que son identité réside en des choses simples : « le fait de manger le pain et boire le vin », mais aussi « d’être vivant à la lumière du soleil, de voir les autres et d’être vu par eux ». Comme Ulysse, nous avons désormais conscience de vivre dans un monde déshumanisé : le masque qui cache notre visage, les interdictions de circuler librement, les écrans qui nous sont imposés pour travailler, tout cela nous éloigne de ce qui, autrefois, faisait le sel et le sens de la vie. 

Et ce n’est pas tout. Aux Enfers, Ulysse croise Achille qui se lamente de n’être plus que l’ombre de lui-même. À quoi bon être auréolé de la gloire des actions héroïques, s’exclame le guerrier, si c’est pour être séparé des humains ? La question est loin d’être anodine : n’avons-nous pas aussi le sentiment d’être volés d’une part de notre vie lorsque nous sommes enfermés dans notre salon ? Ne constatons-nous pas que, privés d’échanges spontanés, de pauses-café sans agenda, nous sombrons dans l’automatisme ? Si nous n’y prenons garde, notre odyssée pourrait bien se faire en mode autopilote.

Heureusement, la fin du voyage est toute proche…